Education thérapeutique aux patient·e·s : prendre le contrôle de son rétablissement

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Intégrée dans les soins, l’éducation thérapeutique aux patient·e·s (ETP) est une approche qui bouleverse la relation classique entre soignant·e·s et patient·e·s atteints de maladies chroniques. Avec l’ETP, les patient·e·s sont formés par le corps soignant pour devenir de véritable acteur de leur rétablissement. Une approche aux nombreux avantages prouvés, que le CNP propose de déployer prochainement.

Depuis quelques mois, Gilberto da Silva, infirmier au CNP et spécialiste de l’ETP, dispense des formations sur cette approche aux collaboratrices et collaborateurs de l’institution. Une étape essentielle pour remplir l’objectif stratégique que s’est fixé le CNP : proposer un accompagnement ETP à ses patient·e·s. Mais qu’est-ce que c’est exactement, l’ETP?

« Il s’agit d’une façon différente de penser les soins et la relation », explique Gilberto da Silva. « La philosophie de l’ETP est que la personne atteinte est l’experte de sa propre vie, c’est elle qui vit au quotidien avec sa maladie, ses symptômes et la prise des traitements, c’est donc à elle de décider de sa prise en charge et d’en avoir le contrôle. »

Une approche holistique

Intégrée dans chaque étape de la prise en charge, les principes de l’ETP amènent le corps soignant à offrir les clés de ce contrôle à ses patient·e·s. Concrètement, l’équipe soignante commence par former et informer la personne atteinte sur sa maladie, ses symptômes et sur ses options de traitements. Toutes les personnes impliquées vont alors construire ensemble un programme qui vise à accompagner et motiver le ou la patient·e à développer de nouvelles compétences d’auto-évaluation et d’auto-gestion de la maladie.

Au niveau des soins, l’objectif est que la personne soit intégrée dans chaque discussion médicale sur son cas et qu’elle puisse déterminer ce qui est possible de réaliser pour elle, et ce qui ne l’est pas à ce moment précis.  La finalité de tout programme ETP est que les patient·e·s puissent apprendre des stratégies pour (re)trouver et maintenir un équilibre dans leurs vies.

Gilberto da Silva précise : « l’ETP est une approche complètement personnalisée, qui repose sur l’échange et le brainstorming avec le ou la patient·e et chaque membre de son réseau. Ce n’est plus uniquement le corps médical qui détient l’expertise et détermine la marche à suivre, mais bien une décision collective, discutée entre chaque partie impliquée, à parts égales. C’est une approche éminemment holistique et structurée. » L’implication des proches est aussi une part essentielle de la philosophie de l’ETP.

Une pratique déjà centenaire

Si cette approche peut paraître nouvelle dans le domaine médical, l’ETP est pratiquée depuis de nombreuses années. « Les premières formes d’éducation thérapeutique aux patient·e·s remontent aux années 1920 déjà, quand les traitements contre le diabète sont arrivés. Il s’agit d’une maladie complexe, où il est important que les personnes atteintes puissent avoir une certaine autonomie pour contrôler correctement leur insuline et leurs glycémies, il a donc fallu les former », explique Gilberto da Silva.

C’est un médecin suisse, Jean-Philippe Assal, qui introduit le terme d’éducation thérapeutique du patient en 1975, et qui développe cette approche pour les maladies chroniques aux Hôpitaux universitaires de Genève : « lui-même était atteint de diabète, il avait donc conscience de l’importance d’offrir aux patient·e·s des connaissances de leur propre maladie pour qu’ils puissent la gérer au quotidien. »

Dans le domaine de la santé mentale, l’ETP est pratiquée dès les années 1990 et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande son application depuis 1998.

Des résultats prouvés

Les chercheurs et chercheuses se sont intéressé·e·s très vite aux résultats qu’offrait cette méthode. Julie Gavin, responsable de la recherche au CNP, passe actuellement en revue cette littérature pour permettre au CNP de l’appliquer au mieux, et démontrer son efficacité aux partenaires de l’institution.

Elle explique : « les bénéfices de l’ETP en santé mentale sont nombreux et prouvés. Cette méthode favorise une meilleure adhésion au traitement des patient·e·s et diminue nettement les rechutes et les hospitalisations. Surtout, elle améliore la qualité de vie des patient·e·s de façon significative et renforce l’esprit d’équipe dans les services de soins qui la pratiquent ».

Si l’ETP offre des avantages nombreux, sa mise en place présente toutefois plusieurs défis que le CNP est aujourd’hui en train de relever. « Le point crucial est l’adhésion à cette méthode de chaque membre impliqué », précise Gilberto da Silva. « Il s’agit du travail de co-construction, nous ne pouvons pas forcer un·e patient·e à faire de l’ETP, de même, il faut que toute l’équipe soignante soit complètement engagée dans cette approche qui bouleverse les habitudes. »

Au début de son application, l’ETP demande aussi beaucoup de temps, que cela soit pour les patient·e·s et ses proches, mais aussi pour les soignant·e·s. Un temps qui, selon le CNP, est un investissement payant. Toutefois, le système de financement de la santé actuel en Suisse n’est pas encore adapté à cette pratique. « Il y a aussi un travail à faire auprès du milieu politique pour favoriser l’intégration de l’ETP à nos pratiques », ajoute encore Julie Gavin.

L’ETP et son application seront au cœur des discussions ce vendredi 25 octobre 2024 à la Salle du théâtre de Préfargier, avec une grande conférence consacrée à ce sujet.

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