« Au-delà des soins, notre rôle est d’être porteurs d’espoir »

Après 40 ans passés à exercer comme infirmière à Préfargier, Assunta Walter est toujours animée du même amour pour son métier. A travers ses souvenirs, elle partage avec nous ses valeurs et les instants profondément humains qui ont, et continuent, de rythmer son quotidien.

« Dans ma vie, j’ai eu cette immense chance de pouvoir exercer le métier de mon choix. » A dix-sept ans, Assunta Walter n’a aucun doute, elle sera infirmière. Après un stage à la clinique de Préfargier, elle oriente sa formation dans le domaine de la psychiatrie. En 1983, son diplôme en poche, elle est engagée par l’institution qu’elle ne quittera plus.

Si, quarante ans plus tard, la politique en matière de santé mentale et le site de Préfargier ont beaucoup évolué, la vocation d’Assunta Walter est, elle, toujours aussi forte. A l’occasion de la journée internationale des infirmières et infirmiers, elle revient avec nous sur ces années consacrées à prendre soin de l’autre, et sur les changements inscrits dans le temps qu’elle a aidé à instaurer à Préfargier.

Créer une unité pour les jeunes : des moyens financiers serrés, mais une volonté illimitée

Son implication dans la création d’une unité dédiée aux adolescent·e·s, toujours active aujourd’hui, est sans doute le projet qui lui a tenu le plus à cœur. Elle raconte : « Face à l’augmentation des cas d’hospitalisations de jeunes de moins de vingt ans, il y a eu une volonté de la part de la direction d’ouvrir une unité qui leur soit dédiée en 2001, et j’ai eu la chance d’être parmi les personnes mandatées. »

Assunta Walter a contribué en 2001 à créer l’unité dédiée aux adolescent·e·s du site de Préfargier. Photo: Sarah Dysli

Si la volonté est présente, tout est à faire et les moyens financiers sont serrés : « On m’a donné la carte de crédit de l’institution et je suis allée seule acheter les meubles chez Ikea ! », se souvient-elle en souriant.

En dehors des aspects matériels, c’est surtout une nouvelle approche de son métier qu’elle doit appréhender, pour adapter ses pratiques aux spécificités des adolescent·e·s. Déterminée, elle fait alors des recherches et va se former aux Hôpitaux universitaires de Genève. « Si cette unité a pu passer de projet à réalité, et si elle a pu s’inscrire dans le temps, c’est grâce à la volonté humaine de toute l’équipe. On ne comptait pas nos heures, on activait tous notre réseau, il y avait une vraie solidarité entre nous. »

Une hospitalisation, un moment qu’on n’oublie jamais

Ce dévouement pour les plus jeunes n’a jamais quitté Assunta. Depuis l’ouverture de l’unité il y a plus de vingt ans, elle estime ainsi avoir accompagné plus de 1250 enfants. Mais la routine n’a jamais fait partie de son quotidien : « Qu’on travaille auprès des adultes ou des plus jeunes, au-delà des soins, notre rôle est aussi d’être porteurs d’espoir. Il ne faut jamais perdre de vue que, lorsqu’une personne est hospitalisée chez nous, elle ne l’oublie jamais. C’est quelque chose qui marque pour toute une vie. »

Ces jeunes gravent aussi de façon permanente leur histoire dans la mémoire de l’infirmière. « On ne peut pas travailler en pédopsychiatrie si on n’a pas la passion. Il peut y avoir de la violence, des pathologies lourdes, des adolescent·e·s qui ne peuvent pas reprendre une vie normale et qu’on retrouve dans les unités adultes après quelques années. On travaille également étroitement avec les membres de la famille, qui sont souvent désemparés face au trouble qui touche leur enfant… »

Des liens forts qui se tissent entre collègues, mais aussi avec les jeunes

Un quotidien intense donc, qui unit entre collègues. « Le travail et l’esprit d’équipe sont simplement essentiels dans ce métier. Sans cela, on ne tient pas. » Elle souligne aussi les moments très forts humainement qui font partie de sa profession, comme cette jeune patiente qui avait passé plusieurs mois dans son unité en 2004, après une tentative de suicide. « Cinq ans plus tard, j’ai reçu une invitation à son mariage. Je me souviendrai toute ma vie du moment où nos regards se sont croisés alors qu’elle marchait en direction de l’autel, elle a chuchoté un ‘merci’ qui m’a mis les larmes aux yeux. »

Preuve des liens forts qui se tissent au sein de l’unité entre l’équipe et ces jeunes, Assunta et ses collègues reçoivent aussi très souvent des nouvelles de leurs ancien·ne·s patient·e·s. « Elles et ils viennent nous voir ou nous écrivent, l’un pour dire qu’il a réussi son diplôme des beaux-arts, une autre pour nous annoncer être devenue infirmière, une autre avocate… Ce sont des instants précieux pour nous, qui réchauffent le cœur. »

Un métier rude, mais aussi rempli d’opportunités magnifiques

Aujourd’hui, alors que les difficultés rencontrées par le personnel soignant sont relayées dans les médias et débattues dans le monde politique, l’infirmière confirme qu’il s’agit bien d’un métier particulier : « En somatique ou en psychiatrie, c’est effectivement un quotidien qui peut être rude, avec des horaires difficiles. Il ne faut pas oublier non plus que nous sommes tous les jours en contact avec la souffrance, ce n’est pas un métier fait pour tout le monde, il faut le porter en soi. »

A quelques mois de la retraite, Assunta pose malgré tout toujours un regard plein d’espoir sur cette profession qui la fait vibrer depuis plus de quarante ans : « Il y a des opportunités magnifiques qui ne cessent de se développer, dans la formation notamment, avec les Masters et les spécialisations. Surtout, il n’y a pas beaucoup d’autres professions dans lesquelles on se sent aussi utile, c’est un sentiment à part, qui a quelque chose de merveilleux ».

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