Le TDAH chez les enfants : un trouble aux nombreux visages

L’image de l’enfant turbulent à l’école, souvent associée au trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), est loin de représenter tous les symptômes et les difficultés que ce trouble peut causer. Or, comprendre ses multiples facettes est essentiel pour offrir une aide adaptée à celles et ceux qui en sont atteints.

Le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) touche environ 5% des enfants et adolescent·e·s en Suisse. Si ce sujet est aujourd’hui largement abordé dans les médias et les milieux scolaires, ce trouble reste en réalité encore délicat à identifier et à diagnostiquer. Comme souvent avec les maladies en lien avec le cerveau, les symptômes peuvent passablement varier d’un cas à l’autre, mais aussi être la manifestation d’une autre pathologie.

Au Centre neuchâtelois de psychiatrie (CNP), les enfants et les adolescent·e·s chez qui on suspecte, ou qui présentent, un TDAH sont diagnostiqués et suivis par la consultation générale pour enfants et adolescent.e.s. Pour les situations plus complexes, elles et ils sont adressés à la consultation spécialisée du développement mental.

Médecin-cheffe de ce service, la Dre Léa Kiener décrit pour nous les différentes formes que peut prendre le TDAH et les solutions qui existent pour venir en aide aux jeunes patient·e·s et à leur entourage.

Origines à la fois génétiques et environnementales

Aujourd’hui, de nombreux préjugés circulent encore sur le TDAH. Pourtant, il ne s’agit pas d’un mal nouveau, les premières mentions de symptômes en lien avec ce trouble datent même déjà du XIXe siècle.

Les causes qui provoquent un TDAH arrivent très tôt dans le développement de l’enfant. « Le facteur génétique représente déjà environ 70 % des cas », explique la Dre Léa Kiener. Mais plusieurs autres causes, de nature environnementale, peuvent aussi être à l’origine du trouble : « Les enfants prématurés notamment sont plus à risques. L’exposition à certains médicaments et la consommation de certains toxiques durant la grossesse, ainsi que l’exposition de la maman à un important stress sur la durée, ont aussi été mises en corrélation avec le développement d’un TDAH. Enfin, la surexposition ou l’exposition trop précoce aux écrans, certains colorants alimentaires et les carences affectives sont également des facteurs de risques ».

Des symptômes qui peuvent être lourds au quotidien

Concrètement, les personnes atteintes de TDAH présentent une diminution de l’activité cérébrale dans certaines parties de leur cerveau, principalement le lobe préfrontal, siège des fonctions exécutives (inhibition, planification, mémoire de travail, flexibilité mentale). Elles vont alors produire moins de dopamine et de noradrénaline. « C’est ce que nous appelons un trouble neurodéveloppemental. Il va se manifester par un déficit, comme son nom l’indique, de la capacité d’inhibition de la personne atteinte, ce qui a pour répercussion des difficultés d’attention, associé à des comportements hyperactifs et impulsifs à des degrés très variables », détaille la Dre Léa Kiener.

Les symptômes du TDAH peuvent ainsi être lourds et représenter un handicap au quotidien. Le comportement d’une personne avec un TDAH peut être vécut comme pénible et injustement perçu comme une preuve de mauvaise volonté par l’entourage. L’enfant ou l’adolescent·e peut alors plonger dans une spirale de rejets et d’échecs. Les répercussions négatives touchent, de plus, de multiples sphères de sa vie, au niveau scolaire, social et familial. La médecin-cheffe précise encore toutefois : « Il est important de souligner que ces symptômes sont également associés à des compétences, comme la vivacité d’esprit, la créativité, le dynamisme et la persévérance, pour n’en citer que quelques-unes. »

Diagnostic délicat

Pour permettre à ces enfants et adolescent·e·s d’améliorer leur qualité de vie et déployer tout leur potentiel, des aides existent. Mais pour mettre en place des solutions adaptées à chaque cas, il faut déjà poser le diagnostic. Une étape délicate : « Les diagnostics avec lesquels ne pas confondre le TDAH et les troubles possiblement associés sont multiples. Cela signifie que, en tant que médecins, nous devons faire une évaluation large sur le plan psychiatrique, psychodynamique et somatique. Nous devons nous assurer que les troubles du comportement sont, dans un premier temps, effectivement dus à une pathologie, et, dans un deuxième temps, que celle-ci soit bien le TDAH. »

En cabinet, l’enfant ou l’adolescent·e est observé par le médecin, qui va souvent aussi s’entretenir avec la famille et les enseignant·e·s. « Il y a forcément une part de subjectif, car tous les proches ou les membres du corps enseignant n’ont pas la même tolérance aux symptômes. » Des tests existent aussi pour mesurer l’attention et les capacités d’inhibition. « Le trouble peut se manifester de façon très différente d’une personne à l’autre, selon le degré de ses symptômes, mais aussi sa personnalité, son environnement, son âge, ou encore son genre… »

Des solutions : de la médication à la pleine conscience, en passant par des mesures d’adaptation

Une fois le diagnostic posé, il est alors possible pour l’équipe médicale d’élaborer un plan de soin et de proposer des solutions. Là encore, cela se fait conjointement avec la famille, l’école et le pédiatre.

Dans certains cas, une aide médicamenteuse pourra être proposée : « Il s’agit souvent de la Ritaline, bien connue aujourd’hui, mais il existe aussi d’autres psychostimulants. Ils agissent directement sur la dopamine, en stimulant la partie préfrontale du cerveau, source des capacités d’inhibitions notamment. »

Des exercices de psychomotricité et une approche basée sur la pleine conscience peuvent aussi avoir des effets très positifs pour augmenter les compétences de l’enfant. « Nous avons aussi mis en place un groupe thérapeutique pour permettre aux enfants et adolescent·e·s concernés de travailler sur leurs compétences sociales notamment. Ces groupes intègrent les jeunes atteints de TDAH, mais aussi d’autres pathologies comme le trouble du spectre de l’autisme, ou des troubles anxieux. Enfin, il est toujours utile de veiller à éviter certains colorants alimentaires (anthocyanes), de diminuer la consommation de sucres rapides et de veiller à une bonne balance entre acides gras polyinsaturés oméga 3 et oméga 6 (oméga 3 à favoriser). »

Au quotidien, de nombreuses mesures peuvent aussi être prises au sein de la famille et dans le cadre scolaire, pour s’adapter au mieux aux besoins spécifiques des enfants et adolescent·e·s touchés. « L’éventail est assez large, il faut une adhésion forte de l’entourage pour qu’elles soient efficaces. »

Un cerveau en plein développement jusqu’à 25 ans

Trouver les solutions adéquates demande donc du temps et un vrai travail de collaboration avec l’équipe médicale et l’entourage au sens large. De plus, au-delà d’essayer de réduire les symptômes, il est aussi possible de faire des exercices pour entraîner les capacités d’attention. « Plus nous posons le diagnostic tôt, plus vite nous pouvons agir de façon ciblée et essayer de corriger certains biais. Le cerveau se développe jusqu’à l’âge de 25 ans environ, avec deux grandes périodes de remaniement : à l’âge préscolaire et à l’adolescence. Mais il est possible d’agir durant toute l’enfance de manière efficace. »

Le TDAH a donc un fort potentiel d’évolution entre l’enfance jusqu’à l’âge adulte. « Le taux de rémission complète est entre 30% et 40%, pour les autres, nous pouvons observer environ 30% d’amélioration, et pour environ 30% des autres cas, la situation reste similaire », précise encore la Dre Léa Kiener.

Liens utiles

La page de la consultation spécialisée du développement mental du CNP

Le Centre suisse de pédagogie spécialisée a édité des fiches d’informations sur différents troubles, dont le TDAH, contenant notamment un descriptif détaillés des symptômes et des mesures existantes pour rendre accessible l’enseignement aux élèves atteints de TDAH.

Le site de l’Association Suisse Romande du trouble du déficit d’attention/hyperactivité contient de nombreuses informations, des témoignages et offre un soutien aux personnes atteintes de TDAH et leurs proches.

Articles récents

Tisser des liens entre générations, un enrichissement à tous les âges

Yoga du rire, cours de cuisine, spectacle de marionnettes ou encore après-midi jeux au festival Ludesco : les patientes et les patients de l’Hôpital de jour de l’âge avancé retrouvent régulièrement une classe d’élèves du Collège de l’Ouest pour partager des activités ensemble. Des moments d’échanges précieux, entre deux générations qui s’apportent énormément.

Lire plus