Laurent Hurni, de menuisier à chargé de sécurité au cœur de la psychiatrie neuchâteloise

Le 2 janvier 1988, tout juste engagé comme menuisier, Laurent Hurni arrive pour la première fois sur le site de l’Hôpital psychiatrique cantonal de Perreux. 36 ans plus tard, c’est en tant que chargé de sécurité du CNP qu’il s’apprête à prendre sa retraite. A travers ses souvenirs, il nous fait découvrir une carrière riche en défis, en échanges et pleine d’humanité.

Dans le bureau de Laurent Hurni, sur le site de Préfargier, un large pupitre en bois massif trône en dessous des fenêtres. Un symbole pour le chargé de sécurité du CNP, qui l’a construit de ses propres mains au tout début de sa carrière. Alors que l’heure de la retraite arrive, il revient sur ses 36 ans passés au cœur de la psychiatrie neuchâteloise.

En 1988, c’est en tant que menuisier que Laurent est engagé à l’Hôpital psychiatrique cantonal de Perreux. L’institution, aujourd’hui disparue dans la foulée de la création du CNP en 2009, comptait une équipe technique d’une douzaine de personnes: « Nous étions chargés de réparer et de construire les fenêtres, les portes, les tables, les chaises et même les lits hospitaliers ».

Le bus jaune de Perreux

Au moment de postuler, Laurent ne connait presque rien du milieu psychiatrique et ses premiers souvenirs liés à Perreux sont loin de le prédestiner à choisir cet employeur: « Petits, quand nous faisions des bêtises, les adultes avaient l’habitude de nous dire que le bus jaune de Perreux allait venir nous chercher ! A l’époque, encore plus qu’aujourd’hui, la psychiatrie était particulièrement stigmatisée et faisait peur. »

Pourquoi alors avoir choisi de travailler pour l’hôpital psychiatrique de Perreux ? « Je ne peux pas vraiment donner de raison particulière… Je pense tout simplement que c’est une sensibilité que je portais déjà en moi ».

 

Engagé comme menuisier au début de sa carrière à l'Hôpital psychiatrique cantonal de Perreux, Laurent Hurni, désormais chargé de sécurité au CNP, travaille toujours sur le large pupitre en bois massif qu'il a construit de ses mains voilà plus de trente ans. Photo: CNP communication

Ce milieu inconnu, Laurent l’apprivoise rapidement. « Le fait d’être quotidiennement au contact des patientes et des patients est une expérience très riche d’enseignements sur l’être humain. Face aux souffrances, aux drames ou au désespoir, on ne peut pas être insensible, ça nous amène beaucoup d’humilité et de respect. »

Même après toutes ces années, Laurent aime toujours autant échanger quelques mots avec les patientes et les patients, « je garde toutefois ce que j’appelle une empathie mesurée. C’est nécessaire pour se protéger. »

Un jour, alors qu’il est en train de réparer une fenêtre et une porte dans la chambre d’un patient, celui-ci s’approche de lui et lui confie « Merci beaucoup Monsieur Hurni de réparer ces dégâts, grâce à cela, je serai protégé des fous de l’extérieur ! » Un échange qui marque le Neuchâtelois: « ça laisse de quoi méditer non…? »

Le service du feu, premiers pas vers un domaine qu’il ne quittera plus

Quelques années après son embauche, Laurent est embrigadé dans le service du feu interne. Ce premier pas dans le monde de la sécurité amorce une évolution qui ne s’arrêtera plus: « C’est un domaine passionnant, qui demande un vrai travail d’équipe. En 1995, je suis nommé responsable de ce service, qui comptait une vingtaine de personnes. J’ai alors développé le groupe de sapeurs-pompiers d’entreprise, entraînés pour intervenir en milieu psychiatrique et effectuer des sauvetages et des évacuations de personnes. »

Trois ans plus tard, il est nommé en parallèle responsable du service technique. « J’ai eu cette chance d’avoir une hiérarchie qui m’a offert la chance de toujours évoluer. »

Au milieu des années 2000, alors que la création du CNP est en train de se préparer au niveau cantonal, la direction encourage Laurent à faire la formation de chargé de sécurité, avec à la clé l’obtention du brevet fédéral. « Cela a été une année marathon, entre le travail à 100% et le brevet, mais c’était aussi passionnant de relever ce défi ! J’ai gardé contact avec les participants de ma volée, nous nous retrouvons toujours au moins une fois par année pour un échange d’expérience autour d’une bonne table. »

« Rien n’est sécurité, tout est sécurité »

En 2009, c’est donc officiel, Laurent est nommé chargé de sécurité pour le tout nouveau CNP. Face à la charge de travail qui l’attend – le CNP est multisite et présent sur tout le territoire cantonal – il doit abandonner son poste de responsable du service technique.

Mais que fait exactement un chargé de sécurité ? « J’aime bien dire que rien n’est sécurité, tout est sécurité. » Autrement dit, la sécurité seule n’existe pas, c’est un rouage qui s’insère dans chaque aspect de l’institution, via un concept de sécurité sans cesse perfectionné.

Le panel est donc large: mise en place et gestion des systèmes d’alarme en cas d’agression, d’incendie ou d’intrusion, aménagement des locaux, gestion des agents de sécurité et de leurs missions, saisie de stupéfiants, présentation des sites du CNP aux policiers en formation, contrôle des accès… La liste des responsabilités de Laurent est encore longue. Il faut dire que des mesures de sécurité sont mises en place pour tous les cas de figure et doivent être suivies par chaque collaboratrice et collaborateur du CNP.

« Nous avons pu lui sauver la vie car les sapeurs-pompiers d’entreprise ont suivi le protocole »

Des gestes et une attention aux détails qui font la différence. En 2009, une cigarette mal éteinte dans une unité de Perreux met le feu au lit d’une patiente. Elle est gravement brulée et Laurent doit lui prodiguer un massage cardiaque. « Nous avons pu lui sauver la vie car les sapeurs-pompiers d’entreprise ont suivi à la lettre le protocole. Les secours sont arrivés et elle a pu être héliportée en urgence à temps au CHUV. »

En 2010, c’est sur le site de La Rochelle à Vaumarcus qu’un feu se déclare. Les patientes et les patients sont évacués et, heureusement, aucun blessé n’est à déplorer. « C’est à nouveau une cigarette mal éteinte qui a provoqué le sinistre. Les dégâts étaient tellement importants que le site a été fermé pour de bon. »

Les sonneries nombreuses et régulières du téléphone de Laurent en sont le reflet, la collaboration est sans aucun doute l’une des clés du métier de chargé de sécurité. Et elle ne s’arrête pas aux murs de l’institution. Au CNP, Laurent est la personne de contact pour tous les « feux bleus », à savoir la police, le SMUR, les pompiers, etc. Au moindre incident ou lors de transfert de patients ou de détenus, il est responsable de la coordination avec les acteurs et les services impliqués.

« Quand j’y repense, si on m’avait dit un jour que je serais responsable de détenus ou que je collaborerais directement avec la police ou les pompiers, je ne l’aurais pas cru… C’est un domaine intense et passionnant, j’ai eu beaucoup de chance que l’on ait cru en moi. »

Un chapitre qui se referme

En milieu hospitalier, le métier de chargé de sécurité ne s’arrête pas aux jours de la semaine ni même après 18h00. Les services de piquet sont donc légion. Depuis 2019, le CNP et le Réseau Hospitalier neuchâtelois (RHNe) collaborent étroitement et organisent des permanences 24h/24, 7j/7 et 365 jours par an entre les différents chargés de sécurité des deux institutions.

Alors qu’il s’apprête à quitter pour de bon son bureau de CNP, Laurent va garder tout de même un pied dans cet univers professionnel, puisqu’il continuera à assurer des nuits de permanence aux côtés de ses collègues du RHNe. « Je n’ai pas hésité longtemps quand on me l’a proposé, je le ferai tant que j’aurai quelque chose de à apporter à l’équipe. » Laurent n’a toutefois pas de regret au moment de refermer le chapitre professionnel de sa vie: « Mon travail m’a énormément enrichi et il m’a permis de rencontrer des personnes formidables, mais je sais que j’ai fait le tour, la retraite arrive au bon moment. Il y a beaucoup d’autres projets qui m’attendent maintenant et dont je me réjouis! »

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