Anorexie et boulimie : les troubles des conduites alimentaires ont de graves conséquences sur la santé physique, psychologique et sur la qualité de vie des personnes qui en souffrent. Au CNP, une équipe pluridisciplinaire s’occupe spécifiquement des patient⸱e⸱s atteint⸱e⸱s par ces troubles, pour les accompagner à chaque étape de leur rétablissement.
En Suisse, les troubles des conduites alimentaires (TCA) touchent environ 3.5% de la population. Les personnes atteintes subissent leur relation perturbée à l’alimentation, qui entraîne de graves problèmes de santé physique et mentale, tout comme des difficultés sociales et relationnelles dans leur quotidien.
Dans la très grande majorité des cas, ces troubles se déclenchent à l’adolescence. Les jeunes femmes sont les plus touchées par ces troubles, mais les hommes sont aussi concernés.
Au CNP, un programme spécifique pour le traitement des TCA a été mis en place en janvier 2021. Florence Gabris, psychologue-psychothérapeute, et Anne-Sylvie Ruedin, diététicienne, s’occupent des patient⸱e⸱s de ce programme. Elles nous expliquent ces différents troubles et comment elles viennent en aide aux personnes atteintes.
L’anorexie : une vision déformée de son propre corps
Trouble psychique grave, l’anorexie est particulièrement invalidante pour la personne atteinte. Le blocage lié à l’alimentation n’est pas physique, il s’agit d’une incapacité à s’alimenter d’origine psychologique. « La restriction alimentaire est variable, cela peut aller de l’éviction de certains types d’aliments à une diminution très importante des quantités », explique Anne-Sylvie Ruedin.
Concrètement, l’anorexie va amener une restriction alimentaire grave, qui entraîne une perte de poids rapide et un état de dénutrition important. Florence Gabris précise : « La personne qui souffre d’anorexie va aussi souvent présenter une hyperactivité sportive ou intellectuelle et une dysmorphophobie, à savoir une déformation de la perception de son corps ». Dans le cas d’une personne anorexique, la vision de son poids est donc complètement déformée, il y a un déni de la maigreur et l’obsession liée au contrôle du poids envahit absolument tous les aspects de sa vie.
Des conséquences à tous les niveaux
Les conséquences de l’anorexie sont graves tant au niveau psychologique, social que physique : « Les personnes atteintes d’anorexie souffrent souvent d’un retard de développement psychoémotionnel, d’une désinsertion sociale et professionnelle, d’un retard de développement physique, avec notamment l’absence des menstruations, et de risques de complications somatiques liées à la dénutrition », détaille Florence Gabris.
L’anorexie est une maladie mentale particulièrement mortelle. « Environ 7 % des personnes atteintes décèdent à cause de la dénutrition ou par suicide. Environ 20% vont en souffrir de façon chronique, et dans 70% des cas, les personnes anorexiques vont retrouver une alimentation et un poids normaux. »
La boulimie : éteindre ses émotions
Les personnes atteintes de boulimie souffrent de façon répétée de crises pendant lesquelles elles vont consommer des quantités de nourriture excessives, de plusieurs milliers de calories parfois. « Elles vont ensuite se faire vomir pour évacuer ces aliments et éviter de prendre du poids, mais aussi pour ne plus sentir leurs émotions », explique Florence Gabris. « Les vomissements répétés ont cet effet d’anesthésier la personne qui les pratique. »
La boulimie est une maladie qui se voit beaucoup moins que l’anorexie, mais elle est plus fréquente. Entre 2 % et 4% de la population est touchées.
La tête et le corps en souffrance
Faible estime de soi, honte, dépression ou encore peur de la crise, les personnes atteintes de boulimie voient, à l’image des personnes atteintes d’anorexie, tous les aspects de leur vie être pris en otage par la maladie.
Au niveau physique, Anne-Sylvie Ruedin détaille: « Les patient⸱e⸱s souffrant de boulimie ne présentent pas de dénutrition, mais les conséquences de ce trouble sont importantes aux niveaux sanguin, en raison de troubles électrolytiques, et dentaire, avec une érosion de l’émail et une possible perte de dents. La sphère buccale et l’œsophage sont aussi très touchés, avec des varices œsophagiennes, des perforations et des gingivites. Des troubles du rythme cardiaque ainsi qu’une déshydratation sont aussi possibles. Enfin, les implications financières ne doivent également pas être négligées. »
Comment s’en sortir ?
Il est essentiel de demander de l’aide lorsque l’on souffre d’un TCA. Ces maladies ont de bonnes chances de guérison, mais le chemin vers le rétablissement est long.
Leur origine multifactorielle et leur emprise importante sur la vie quotidienne des personnes atteintes demandent un suivi multidisciplinaire. « Pour soigner chaque pan de la maladie, il faut offrir un suivi psychologique, un suivi psychiatrique, un suivi individuel, un suivi en groupe, un suivi de famille, un suivi diététique et un suivi somatique à nos patient⸱e⸱s. Tous ces suivis spécialisés permettent à la personne de se défaire de cette pathologie grave », précise Florence Gabris.
Les questions relationnelles avec le poids sont bien sûr abordées en profondeur, avec en parallèle un travail sur la reprise d’une alimentation variée qui donne du plaisir. Anne-Sylvie Ruedin détaille : « Pour le suivi des patient⸱e⸱s atteint⸱e⸱s de boulimie, les fringales peuvent entraîner un sentiment de perte de contrôle et faciliter la survenue d’une crise. Nous travaillions alors sur une optimisation des prises alimentaires journalières. Plus l’alimentation est répartie de façon adéquate, moins les patient⸱e⸱s ont des fringales. »
Pour les personnes atteintes d’anorexie, le premier objectif est de rétablir l’état nutritionnel. Dans un deuxième temps, l’objectif devient, comme pour toutes les personnes atteintes de TCA, de retrouver un rapport apaisé à l’alimentation, à son poids et à son corps.